1. Les amendements réduisent le champ d'application et la qualité pour agir:
- La portée du champ d'application est désormais alignée précisément à celui de la directive qu'elle transpose et définit en même temps les obligations légales du professionnel par rapport à son annexe qu'il reprend in extenso.
- Il est maintenant envisagé de limiter les dispositions nationales à la portée de la directive et de supprimer toute référence à la catégorie du consommateur individuel.
En même temps, li est jugé prudent de faire abstraction de l'attribution facultative de la qualité pour agir pour des associations non agréées désignées ad hoc par le tribunal compétent, qui est une option offerte par la directive (UE) 2020/1828. Le risque a été identifié qu'une telle désignation ad hoc, dans le cadre d'un recours collectif, pourrait prolonger la procédure judiciaire au stade de la recevabilité. Les amendements sous revue tendent à la qualité pour agir aux associations de droit privé désignées à l'avance.
La limitation du champ d'application entraînera notamment l'exclusion de recours collectifs relatifs à des litiges de location et certains litiges relatifs à la construction dans la mesure où ils ne tombent pas sous la qualification de pratiques commerciales déloyales et/ou contrats de consommation régis par le Code de la consommation. Il faut garantir que tous les aspects relatifs au contrat de consommation de la formation à l'exécution puissent faire l'objet de recours collectifs.
Pour rappel, dans les pays voisins le champ d'application du recours collectif a été étendu progressivement, ainsi en France ou encore pour les PME en Belgique et jusqu'à être inséré dans le Code civil italien.
La limitation de la qualité pour agir n'aura pas d'incidence sur l'ULC ni sur les recours intentés par des associations de consommateurs d'autres Etats membres.
2. Les amendements précisent utilement les conditions de recevabilité, à savoir
précision quant à la nature des « informations suffisantes » qui sont à apporter par le demandeur en guise de preuve qu'il est satisfait aux conditions de recevabilité. Ainsi sont à fournir notamment des détails sur les mesures demandées; sur la description du groupe et les questions de fait et de droit à traiter dans le cadre du recours collectif.
L'assignation indique expressément, sous peine de nullité, des cas individuels présentés par le demandeur au soutien de son action. Le terme « exemplaire » a été biffé. La formulation «des» cas individuels renvoie à une liste non-exhaustive de cas examinés alors que le groupe de consommateurs n'est formé qu'après le jugement sur la responsabilité et que les consommateurs ont la faculté d'adhérer au groupe afin de bénéficier d'une mesure de réparation.
Donc toujours pas de nombre minimum de cas exigé, ce que nous saluons même si cela risque de compliquer toute tentative de médiation (ci-après).
« L'analyse préliminaire de cas individuels ou « test case » mentionnés dans l'assignation permet au juge de se prononcer sur la recevabilité du recours collectif. Le mécanisme s'inspire des procédures d'actions modèles anglaises et allemandes. Les cas individuels représentent un échantillon dufutur groupe de consommateurs,formé après le jugement sur la responsabilité.» Aucune explication n'est fournie quant aux« modèles» anglais et allemands.
3. Conciliation/médiation
Le cœur du projet de loi déposé par le gouvernement précédent, à savoir promouvoir le règlement entre les parties suite au jugement de recevabilité grâce à un encadrement précis (appel à l'adhésion figurant dans le jugement de recevabilité, délais précis,... ) et surtout une incitation financière grâce au paiement des honoraires du médiateur par le budget de l'Etat (saluée non seulement par l'ULC mais aussi les chambres patronales), a été complètement dénaturé et le« modèle» luxembourgeois salué au-delà de nos frontières, n'a pas fait long feu.
Contrairement aux litiges individuels soumis au Médiateur de la consommation établi par le Code de la consommation et dont le recours est gratuit pour le consommateur, les recours collectifs seront soumis à la médiation civile et commerciale opérée par des médiateurs agréés par le Ministre de la justice. Il est fait référence au projet de loi 7919 qui est figé en commission parlementaire depuis novembre 2023. Aucun rapporteur n'a été nommé, aucun avis du Conseil d'Etat n'existe.
Concernant la médiation judiciaire, les amendements renvoient à l'art.1251-12 du Nouveau Code de procédure civile : « Le juge déjà saisi d'un litige peut, à tout stade de la procédure à la demande conjointe des parties ou de sa propre initiative mais avec l'accord des parties, inviter celles-ci à une médiation, tant que la cause n'a pas été prise en délibéré...». Le projet actuel prévoyait que dans le jugement de recevabilité, le juge fixe les modalités et délais pour que les consommateurs intéressés puissent adhérer à la recherche d'un accord à l'amiable. Ces dispositions cruciales ont disparu.
Question: avec quelle «masse» de plaignants l'ULC négociera-t-elle avec un professionnel mis en cause ? Il est simplement prévu que tout accord entre parties inclut « le cas échéant, la description du groupe ainsi que l'indication ou l'estimation aussi précise que possible du nombre de consommateurs concernés. »
Au lieu de renforcer la sécurité juridique v1see par le projet actuel, les amendements introduisent plus d'insécurité et affaiblissent de manière décisive l'intérêt de la médiation.
Concernant plus particulièrement l'incitation financière au recours extrajudiciaire, elle a disparu. Le Nouveau Code de procédure civile prévoit à son Art. 1251-9: « Les parties définissent entre elles les modalités d'organisation de la médiation et la durée du processus. Cette convention est consignée par écrit dans un accord en vue de la médiation signé par les parties et par le médiateur. Les fi·ais et honoraires de la médiation sont à charge des parties à parts égales, sauf si elles en décident autrement. »
On peut se demander quel est encore l'intérêt d'intercaler une première phase de recevabilité de l'action alors qu'elle ne vise plus à servir de base et d'incitation à la médiation comme c'est le cas en droit belge auquel le projet actuel fait référence.
Il est vrai que dans son avis sur le projet actuel, le Conseil d'Etat a soulevé des oppositions formelles visant tout particulièrement le règlement extrajudiciaire.
Dans l'exposé des motifs des amendements, le Gouvernement souligne :
« Le chapitre dédié au «Règlement extrajudiciaire du litige collectif» présentait la divergence la plus importante entre la directive à transposer et la loi en projet sous revue. La procédure envisageait d'introduire une obligation à ce que les parties à un recours collectif recevable, participent à une réunion d'information relative au règlement extrajudiciaire, en présence d'un médiateur agréé spécifiquement en matière de litige collectif, afin de favoriser les accords amiables. Le choix était né de la volonté du Gouvernement précédant de créer un environnement qui promeut activement la médiation comme mode de résolution des conflits. Or, le procedere est fortement critiqué par le Conseil d'État ce qui a rendu indispensable de procéder tout au moins à des adaptations conséquentes à ce mécanisme envisagé pour le règlement à l'amiable du litige collectif spécialement adapté aux préjudices de masse. Il est maintenant considéré opportun de supprimer cette procédure sans laquelle il est certes toujours loisible aux parties de régler leur différend à l'amiable. Les nouvelles dispositions s'articulent avec les dispositions sur la médiation au sein du titre lI sur la médiation du Nouveau code de procédure civile consacré à cette matière. »
D'abord, le Conseil d'Etat se trompe en affirmant que le projet actuel enfreindrait la directive UE 2020/1828 en matière de médiation. Au contraire, son considérant (53) précise que « Les accords collectifs destinés à octroyer réparation aux consommateurs qui ont subi un préjudice devraient être encouragés dans le cadre des actions représentatives visant à obtenir des mesures de réparation. » C'est ce que le projet actuel s'efforce de mettre en œuvre alors que les amendements ne font que diluer et décourager la médiation voire la conciliation (prévue dans le projet actuel, mais disparu des amendements suite aux objections du Conseil d'Etat).
Puis, il eut été facile comme recommandé dans diverses notes de l'ULC adressées au MPC, d'adapter le mécanisme prévu au lieu de l'abolir entièrement en renvoyant purement et simplement au Nouveau Code de procédure civile objet d'un projet 7919 de modification à l'arrêt, donc l'effet utile de la directive UE actions représentatives, qui aurait dû s'appliquer en juin de l'année passée, prendra de plus en plus de retard. Cette méconnaissance des obligations communautaires, d'autant plus qu'un Avis motivé a déjà été envoyé au Gouvernement il y a de nombreux mois, est inexcusable.
Concernant les modalités du règlement extrajudiciaire, le Conseil d'Etat reproche « l'absence de pouvoir d'intervention préalable accordé au tribunal pour consulter les parties et les inviter à trouver une solution amiable.» Il eut été facile d'y donner suite en intégrant l'article 1251- 12 du Nouveau Code de procédure civile tout en conservant par ailleurs tout l'encadrement spécifique et le financement proposés pour les recours collectifs en matière de consommation.
4. L' Article 20 de la directive Assistance aux entités qualifiées stipule que
« 1. Les États membres prennent des mesures visant à garantir que les frais de procédure liés aux actions représentatives n'empêchent pas les entités qualifiées d'exercer effectivement leur droit de demander les mesures visées à l'article 7.2. Les mesures visées au paragraphe 1 peuvent, par exemple, prendre la forme d'un .financement public, y compris un soutien structurel aux entités qualifiées ou la limitation des frais de justice ou administratifs applicables, ou d'un accès à l'aide juridictionnelle. »
Aucune mesure n'est prévue pour transposer cette obligation de soutien. Pour éviter une nouvelle procédure d'infraction pour transposition incorrecte, nous souhaitons que la future loi prévoie une aide juridique spécifique. Rappelons dans ce contexte le commentaire fondé du Conseil d'Etat : « le projet de loi reste muet sur la question du recours par le médiateur à des experts techniques. L'intervention d'experts semble pourtant indispensable pour dé.finir des conditions de résolution amiable équitables dans le cadre de certains recours collectifs, comme par exemple en matière de construction ou dans un litige tel celui du « dieselgate ». En effet, les consommateurs - tout comme le médiateur - ne disposent pas nécessairement du même niveau de compétence technique que le professionnel concerné qui se trouve dans une position avantageuse en termes d'informations et de compétences techniques.»
Il en va de même des honoraires d'avocats qui s'avèrent élevés comme montré dans l'affaire VW Dieselgate alors que tous les consommateurs lésés membres ou non de l'ULC profiteront à l'avenir de recours collectifs alors que « les consommateurs individuels n'ont pas d'obligations procédurales dans le cadre de l'action représentative et ne devraient donc pas eux-mêmes supporter les frais de procédure, sauf dans des circonstances exceptionnelles. »
5. La loi entrera en vigueur le lendemain de sa publication. Selon le nouvel Art. 12(1): « Le présent livre s'applique aux recours collectifs qui sont intentés à partir du 25 juin 2023. » C'est la date à partir de laquelle la directive 2020/1828 aurait dû entrer en vigueur. Chez nous, un recours collectif ne pourra être intenté qu'après la publication de la loi. Faut-il donc comprendre ce nouvel article comme signifiant que des faits et actes postérieurs au 25 juin de l'année passée mais antérieurs à l'entrée en vigueur de la présente loi pourront faire l'objet d'un recours collectif devant le tribunal luxembourgeois. Ceci accorderait l'effet utile attendu de la directive 2020/1828 et confirmerait la volonté du projet 7650 actuel.
Howald, le 15.4.2024